Une exceptionnelle beauté

-Chez les mammifères, je reviens sur les félins car ils constituent, selon moi, la perfection esthétique chez les carnivores. En plus du jaguar et du puma dont j'ai parle plus haut il y a 4 autres espèces, trop petites pour représenter un danger pour l'homme.

Le jaguarondi (herpailurus yagouroundi) est allongé et court sur pattes, sa coloration est variable, souvent d'un beau noir lustré.
C'est un grand prédateur des poulaillers!

L'ocelot(felis pardalis) et le margay (felis wiedii) sont eux, nocturnes. Ils sont malheureusement activement chassés pour leur splendide fourrure tachetée.

Chez les oiseaux, les colibris, ou oiseaux mouche, sont de véritables petits bijoux ailés, souvent bien plus petits que la guêpe pepsis dont j'ai parlé plus haut.
Il en existe 319 espèces, toutes américaines. Vous vous régalerez à les voir butiner les fleurs. Leurs ailes battent dans un mouvement de godille tellement rapide qu'ils produisent un étonnant vrombissement, d'où leur nom anglais de ''hummingbirds''.
Leur métabolisme est extraordinairement élevé, jusqu'à 80 battements de cœur par seconde et 1260 battements d'aile par minute !!
Ils sont relativement agressifs et n'hésitent pas à défendre leur territoire contre des oiseaux beaucoup plus gros qu'eux.


Bien plus haut, la grande forêt est survolée par le plus grand et le plus beau de tous les aigles : la harpie (harpia harpija ).Sa tête est ornée d'une magnifique crête de plumes. Ses serres sont énormes. Elle se nourrit de singes, paresseux et d'autres oiseaux comme les aras, ce dont j'ai été personnellement témoin

Pour les Batraciens et Reptiles, j'ai déjà parlé des dendrobates et des serpents corail, mais il existe des légions d'autres espèces brillamment colorées

Enfin et je dirai même surtout il y a les innombrables insectes :
Les grands papillons morpho sont de véritables éclairs de lumière bleue métallique dans le sous bois de la forêt.

Parmi les centaines de milliers d'espèces de coléoptères, certaines pressentent les plus hallucinantes combinaisons de couleurs,d'autres espèces vous fascineront par l'étrangeté de leurs formes et de leurs mœurs.

Continuons avec les insectes

Il y a tout d'abord de véritables géants, tel'' titanus giganteus'', le plus grand coléoptère connu qui atteint presque 17 cm de long !

Les ''megasoma''
D'autres ''dynastes'' sont également énormes

Le plus spectaculaire étant sans doute ''macrodontia cervicornis''.
D'autres insectes n'atteignent pas de tailles record mais possèdent des formes tout à fait surprenantes, comme les ''membracides''.
Certains donnent même lieu à de bien curieuses histoires : la ''machaca''(fulgora lanternaria) ou ''insecte lanterne '' est une cigale de grande taille dont la tête présente une protubérance qui rappelle la tête d'un lézard.

Au Venezuela, les villageois créoles sont persuades que cet insecte possède une piqûre mortelle, et que la seule façon d'en réchapper, après avoir été piqué, est d'avoir des relations sexuelles dans les plus brefs délais ! Ce genre de croyance est si profondément ancrée chez eux qu'il est impossible de les en faire démordre. Je pris un jour dans la main une de ces inoffensives bestioles pour montrer à mon piroguier créole qu'elle ne représentait (hélas, je serai tenté de dire, vu sa réputation… !) aucun danger : résultat, il racontait partout par la suite que je n'étais pas mort parce que j'étais immunisé.

Animaux étranges

L'iguane (iguana iguana) ressemble à un monstre préhistorique. Il est néanmoins inoffensif et se nourrit principalement de fruits et de feuilles.
On le trouve souvent au soleil sur les arbres, au bord des rivières. A la moindre alerte, il se laisse tomber dans l'eau. C'est un excellent nageur qui peut rester longtemps immergé.
Je me suis longtemps demandé comment les Indiens arrivaient à repérer ces animaux verts dans les arbres à 50 m, depuis leur pirogue. Jusqu'au moment où j'en ai vu un moi-même. Il faut l'avoir vu une fois pour repérer ''l'anomalie'' qu'il représente sur l'arbre.
Les Indiens ont une mémoire photographique. Ils connaissent tellement bien leur milieu ambiant qu'ils repèrent immédiatement toute ''fracture'' inhabituelle.
C'est pour cela, qu'en forêt, ils voient des choses que vous ne voyez pas.......

La tortue matamata (chelis fimbriata ) est une étrange créature : hérissée d'aspérités et de bosses, son camouflage est parfait. Elle possède un long cou de serpent et passe son temps à l'affût de petits poissons qu'elle engloutit dans son énorme gueule.

Les Oiseaux

Vous verrez peut être un oiseau particulièrement curieux : l'hoazin ( opisthocomus hoatzin). C'est un véritable fossile vivant ! Ces étranges volatiles se nourrissent exclusivement de feuilles qu'ils ruminent comme des vaches, mais ce sont les caractéristiques des jeunes qui sont extraordinaires. Ils possèdent des griffes sur les ailes comme le premier oiseau connu, l'archeopterix, un contemporain des dinosaures !
En cas de danger ils plongent dans l'eau et se servent de leurs griffes pour s'accrocher aux branches sous la surface. Les griffes disparaissent chez les adultes.

Les agamis, ou oiseaux trompette (psophia crepitans) sont également d'étonnantes créatures : ressemblant vaguement à une pintade, très joliment colorés de gris pastel et de bleu métallique, ils arpentent le sol de la forêt à la recherche d'insectes et autres petits animaux. On peut les attirer assez facilement en imitant leur cri, c'est donc un gibier peu glorieux ! Ils deviennent extrêmement familiers en captivité et vous suivent partout comme des petits chiens, Ils représentent de plus une bonne protection contre les serpents.


Les Mammifères

Là encore la grande forêt vous offre un bien étrange bestiaire !

Des rongeurs géants. Le capybara , littéralement ''maître des herbes'',(hydrochoerus hydrochaeris) ressemble à un gigantesque hamster de 50 kg.
Les agoutis ( dasyprocta sp), diurnes et pacas(agouti paca ), nocturnes sont parmi les proies favorites des carnivores de la forêt, homme y compris. Une autre espèce, le coendou (coendou prehensilis ), est arboricole et recouvert de piquants...

Les tatous sont dotés d'une carapace articulée et peuvent se rouler en boule. Ils vivent dans des terriers et se nourrissent principalement de petits animaux. Ils ont une très mauvaise vue. L'un d'eux est un jour arrivé à mes pieds sans me voir, et n'a réagi que lorsque j'ai posé la main sur sa carapace ! Le géant du genre, priodontes maximus, (jusqu'à 60 kg), se nourrit de fourmis et de termites

Les fourmiliers proprement dits, parents des tatous, sont représentés par 3 espèces dont deux arboricoles. La plus spectaculaire est le grand tamanoir (myrmecophaga tridactyla). Cet animal ne ressemble à aucun autre : il a un crâne extraordinairement mince et allongé et une grande queue touffue. Lorsqu'il est importuné, le tamanoir se redresse sur ses pattes arrières et brandit ses griffes énormes. Partout en Amazonie circulent des histoires de tamanoirs ayant étouffé des jaguars par leur étreinte. Là encore, je demande à voir...
Les fourmiliers éventrent les fourmilières avec leurs griffes et aspirent les insectes avec leur grande langue gluante, qui peut atteindre 60 cm. Ils ont besoin d'un grand territoire car ils ne se nourrissent pas longtemps sur la même fourmilière ou termitière. Dès que la défense des insectes s'organise, ils abandonnent les lieux.

La plus petite des trois espèces, ''cyclopes didactylus'', est un joli petit animal arboricole à la fourrure duveteuse.J'en ai attrapé un récemment : je l'ai ramené sur un bâton auquel il se cramponnait avec ses pattes arrières et sa queue préhensile. Comme les grandes espèces, il brandissait constamment ses membres antérieurs griffus. Il resta dans cette position un bon moment, les yeux fermés, puis finit par tomber en arrière, apparemment endormi au milieu de sa terrifiante manœuvre d'intimidation !


Les paresseux sont également des parents des fourmiliers et des tatous.
Il existe deux sortes de paresseux : le paresseux à trois doigts (bradypus sp) ou ai et le paresseux à deux doigts (chloepus sp ) ou unau. On voit plus rarement l'Unau nocturne que l'Ai.
Les paresseux sont en quelque sorte l'antithèse des colibris en terme de métabolisme. Ils paraissent se mouvoir au ralenti. Ils sont tellement lents que des algues poussent sur leurs poils rêches.
Ils passent leur temps dans les arbres à manger et à digérer des feuilles. Ils sont parfaitement inoffensifs mais leurs mains griffues ont une force considérable. Si vous en attrapez un, prenez le comme un petit chat par la peau du cou et éloignez-le de vous, sinon vous allez y laisser votre chemise.

J'en ai ramassé un jour sur une route en Guyane française, où le pauvre animal se traînait lamentablement (il faisait vraiment peine à voir à terre et aurait été écrasé immanquablement). Je voulais le relâcher plus loin, mais lorsque j'ai ouvert le coffre de ma voiture pour l'y déposer, la stupide bestiole s'est accrochée si fortement à la garniture en caoutchouc que j'ai du la découper à la machette pour le libérer !
Ce que c'est que d'être charitable….
Les paresseux descendent une fois par semaine pour déféquer au pied de leur arbre. Des scientifiques ont expliqué ce curieux comportement par le fait qu'ainsi l'animal apporte des éléments nutritifs à l'arbre qui produit alors plus de feuilles pour lui. Pourquoi pas, on peut évidemment extrapoler à plaisir sur les phénomènes d'interaction mais dans ce cas s'agit-il vraiment d'interdépendance ?
Les explications suivantes ne sont-elles pas plus vraisemblables :
Les prédateurs éventuels des paresseux étant arboricoles l'animal agit ainsi pour ne pas laisser de traces sur son terrain ; très maladroit au sol, il est logique qu'il ne s'éloigne pas et défèque près de son arbre.


Autre animal étrange : le tapir (tapirus sp).
Nocturne, cet herbivore ongulé, lointain cousin des chevaux et des rhinocéros, pourvu d'une courte trompe vit près des cours d'eau. Il est très chassé car sa chair est savoureuse. J'ai personnellement des souvenirs émus d'une fondue bourguignonne de tapir à Saul, en Guyane française.
Le tapir fait ses besoins dans l'eau, ce qui lui permet de tromper l'odorat des grands félins, ses prédateurs ''naturels''. Un jaguar ou un puma aura d'ailleurs rarement le dessus sur un tapir adulte. Le tapir a un crâne très dur et une crête graisseuse au-dessus du cou qui le protège efficacement. Si un félin lui saute sur le dos, il part à fond de train sous des branches basses et le prédateur est obligé de lâcher.
Un tapir apprivoisé que j'avais dans un campement revenait souvent de ses expéditions nocturnes avec de profondes marques de griffes sur le dos.

Les singes sont toujours un spectacle attendu du visiteur de la grande forêt.
Parmi les 66 espèces d'Amérique du sud, il y en a une que vous ne verrez jamais de jour : c'est le douroucouli (aotes). C'est la seule espèce nocturne existant sur la planète. C'est un joli petit singe avec un pelage gris épais et velouté et d'immenses yeux ronds...

Le caractère nocturne du douroucouli me donne un prétexte pour ouvrir une parenthèse sur les excursions de nuit, et sur ce que vous devez faire pour qu'elles se passent bien, et optimiser vos chances d'apercevoir la faune nocturne.

 

Quelques conseils

Tout d'abord ayez sur vous un matériel adapté : une lampe frontale étanche ou du moins protégée de l'humidité est indispensable. Si vous êtes seul, emportez toujours DEUX lampes. Dans le cas contraire, si l'ampoule grille, vous ne ferez pas un pas de plus, même à 20 m de votre campement, et vous n'aurez plus qu'à attendre le petit matin dans le noir, dans les conditions sympathiques que vous imaginez, surtout par temps de pluie (ça m'est déjà arrivé......).
En règle générale, si vous partez pour une expédition ou une excursion relativement longue, DOUBLEZ les outils essentiels (machette, couteau, briquets, lampe). On perd facilement ses affaires entre les arbres. Ne faites aucune confiance à la technique: une lampe neuve qui vous aura été fidèle quand vous pouviez la remplacer facilement vous laissera systématiquement tomber au moment où vous en aurez le plus besoin ! la loi de Murphy...

Une lampe frontale est indispensable parce qu'en dirigeant le faisceau dans l'axe de vos yeux, elle vous permettra de localiser certaines espèces dont les yeux réfléchissent la lumière : presque tous les mammifères, les caïmans, certains boas arboricoles, les papillons de nuit, et les araignées sauf les mygales malheureusement.

-Partez les nuits sans lune. Celle-ci revêt une grande importance dans la vie des animaux nocturnes. Ils sont par définition lucifuges, c'est à dire qu'ils fuient la lumière. Un fort clair de lune les effrayera...
-Vous verrez généralement davantage de choses sur les bords de ''criques'' (petites rivières en Guyane ). C'est là que vous pourrez apercevoir, entre autres, le caïman nain ( paleosuchus sp).
-Vous aurez noté que de nombreux animaux venimeux sont nocturnes. Soyez vigilants. Ne posez pas vos mains sur les arbres. En plus des éventuels scorpions ou fourmis ''flamandes'', certains palmiers possèdent de longues épines acérées...