Les félins

Ce sont des animaux discrets et intelligents. Le risque qu'ils représentent est infinitésimal et largement fondé sur des on-dit, néanmoins vu l'importance qu'ils ont dans la mythologie locale, il faut en dire deux mots :

le jaguar (pantera onca) est devenu rare dans la plupart des endroits. C'est un magnifique animal qui rappelle par sa livrée le léopard africain, en beaucoup plus robuste. Un gros mâle peut peser 130 kg. Les femelles sont plus petites. Les cas de mélanisme (pelage noir) ne sont pas rares, les taches subsistant cependant, si on regarde l'animal de près….
C'est un redoutable chasseur qui s'alimente particulièrement de pécaris qu'il suit patiemment dans leur progression, de cervidés, de jeunes tapirs, mais aussi éventuellement de caïmans (c'est un excellent nageur), d'oiseaux et jusqu'à de petits reptiles et insectes quand la nourriture se fait rare.
Il tue sa proie en la mordant à travers le crâne.
Le jaguar est rusé et prudent, mais il est sûr de sa force et ne fuit pas devant l'homme. C'est ce qui m'a personnellement frappé chaque fois que j'ai eu la chance de l'apercevoir (pas si souvent, malheureusement !).L'animal est toujours resté calme, observant à distance, puis s'enfonçant tranquillement dans la forêt. C'est une rencontre à vous couper le souffle !
On entend souvent les vocalisations du jaguar, surtout de nuit : c'est un genre de halètement rauque, puissant.


Il m'est arrivé un jour une histoire étonnante avec un jaguar. Je traversais la forêt en voiture en fin d'après midi pour me rendre à un campement sur le bord du fleuve Caura, au Venezuela, lorsque j'ai vu à 400 m environ devant moi un gros animal qui me faisait face. Quand il se détourna pour rentrer dans la forêt, je constatai qu'il s'agissait d'un félin. Je me mis à longer alors à petite vitesse le bord de la route sans trop y croire quand j'aperçus sa tête, à peine à 1 m de la lisière. Un jaguar de belle taille.
J'arrêtai alors la voiture. L'animal ne bougea pas. Je baissai la vitre. Pas de réaction. J'ouvris la portière, toujours pas de réaction. L'animal n'avait pas le poil hérissé, ne grondait pas, bref ne présentait aucun signe d'énervement ou d'intimidation. Je descendis alors de la voiture et me plaçai devant la portière.
Il ne broncha pas. Il se contentait de m'observer avec ses yeux jaunes, intelligents. Je me suis approché à moins de quatre mètres de lui avant qu'il me tourne le dos et s'enfonce dans la grande forêt.
Ce qui est incroyable, c'est qu'à aucun moment, je ne me suis senti menacé. Peut être l'animal a -t'il eu la même impression vis à vis de moi.
Evidemment personne ne m'a cru quand je suis arrivé au campement.
Cela restera néanmoins ma plus belle expérience avec un animal sauvage.

-le puma (felis concolor)
C'est le plus répandu des félins d'Amérique (du Canada au sud de l'Argentine ), mais on le voit plus rarement que le jaguar, car il est extrêmement prudent. Il fuit devant les chiens. Contrairement au jaguar, il n'est pas vraiment redouté dans la région amazonienne.

Il est certes prouvé qu'il y a eu des attaques de félins sur des êtres humains. On a parlé récemment d'une attaque de puma au Canada.
Toutefois, après plus de dix ans d'excursions et d'expéditions et des milliers d'heures passées en forêt, je n'ai jamais rencontré une seule personne qui ait été directement témoin d'une attaque. Ce sont toujours des histoires par personnes interposées (voire générations interposées !)..On retrouve d'ailleurs les mêmes petites anecdotes avec les mêmes détails un peu partout dans ces régions.

Ce qui est certain, c'est que des jeunes enfants sont certainement plus exposés que des adultes. Un ami indien, digne de foi a perdu son neveu de 3 ans, enlevé en plein jour par un jaguar à quelques mètres du village...

les ''cochons bois'

-Il s'agit du nom donné en Guyane française aux deux espèces de pécaris.


La variété la plus grande, ''tajassu pécari'' est redoutée à juste titre en grande forêt !
Il s'agit d'animaux vivant en hardes parfois considérables, j'en ai vu de plus de 200 individus. Ils se déplacent en fouillant le sol, émettant une variété de grognements sourds qui, lorsqu'ils sont nombreux s'entendent de loin et rappellent le grondement lointain du tonnerre, en plus étouffé.
Ils ont une glande à musc sur le dos et dégagent une odeur pestilentielle, réellement écœurante quand ils sont proches.
Leur vue est très mauvaise et, si on se place contre le vent en se mouvant silencieusement, on peut les approcher à quelques mètres sans être repéré. Ce n'est pas une très bonne idée toutefois. Devant le danger, ils claquent leurs impressionnantes mâchoires et profèrent un genre d'aboiement puissant.
La plupart du temps, ils s'enfuient sans demander leur reste mais ils peuvent également faire face et attaquer, particulièrement en situation de chasse ou s'ils sont exaspérés par les chiens. Dans ce cas, le mieux est de se percher sur un arbre (ce qui m'est arrivé deux fois… )
J'ai vu un chien se faire déchiqueter. Un indien que je connais a eu le tendon d'Achille arraché (dernier détail : Ils ne cherchent pas à donner des coups de boutoir comme nos sangliers, mais mordent comme des chiens).

Bref, il vaut mieux éviter ces charmants animaux. Si vous les avez repérées, rebroussez chemin, surtout si vous n'êtes pas du genre sportif et n'avez pas confiance en vos talents de grimpeur.
Si vous tombez dessus par surprise et qu'ils ne vous ont pas vus, éloignez-vous un peu et faites du bruit pour ne pas les surprendre, afin de ne pas provoquer une réaction dangereuse.

Les Serpents

Dans le seul Brésil il y a plus de 200 espèces de serpents. Seule une toute petite minorité représente un danger réel.
L'espèce la plus dangereuse d'Amérique du sud est probablement le crotalus durissus, le crotale sud américain, mais c'est une espèce de la savane, je n'en parlerai donc pas ici.
En forêt, les espèces les plus à redouter sont également de la famille des crotales, sans ''bruiteur'' toutefois.

Il s'agit du genre bothrops ou ''fer de lance''. Il existe des espèces arboricoles de bothrops, mais la majorité des accidents sont causes par les espèces terrestres.
Ce ne sont pas des serpents agressifs. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai enjambé ou posé le pied ou la main près d'un bothrops paisiblement enroulé sur lui-même. Mais leur mimétisme est si parfait sur le sol de la forêt qu'ils passent facilement inaperçus. C'est ce qui les rend dangereux.
Leur venin agit à la fois localement, par nécrose des tissus autour de la morsure et généralement en empêchant la coagulation du sang.
La plupart du temps, la morsure n'est pas mortelle. La seule conduite efficace à tenir est de se rendre à un dispensaire où on vous injectera un sérum antivenimeux. Oubliez les remèdes de bonne femme, style application de la tête du serpent écrasée, n'aspirez pas et ne ''charcutez'' pas la morsure, cela ne sert à rien.


Au cours de mes excursions, je n'ai jamais connu de cas de morsure, mais j'ai été amené 2 fois à évacuer des villageois mordus par un bothrops.
Les paysans locaux qui travaillent dans leur ''abattis'' provenant du déboisement d'une petite étendue de forêt sont particulièrement exposés aux morsures.70 % de celles-ci étant localisées au-dessous du genou, ils portent souvent des bottes montantes en cuir épais qui constituent une bonne protection. Un tel équipement est toutefois très inconfortable en cas de marche longue.
Dans les deux cas cités plus haut, il y avait un œdème douloureux, mais après inoculation du sérum aucune conséquence grave.
En fait, la gravité de la morsure dépend de nombreux facteurs :
-la taille du serpent : plus un serpent est gros, plus la quantité de venin inoculé est importante
-si le serpent s'est alimenté récemment ses glandes à venin peuvent être vides
-il peut mordre ''a sec'', c'est à dire sans déployer ses crochets à venin ''pliables''

Nettement moins fréquent : le maître de la brousse (lachesis muta).
Egalement un crotaline, c'est le plus grand serpent venimeux d'Amérique. Le record est de 4 m, mais les spécimens de plus de 2 m sont courants.
Il est nocturne et plutôt peu agressif, son venin est moins actif que celui des bothrops, mais vu sa grande taille il peut en injecter de grandes quantités.
Une histoire vraie survenue à Saul en Guyane française illustre à la fois l'imprudence de certaines personnes et le caractère relativement paisible de ce serpent :
Un jeune soldat ayant trouvé un grand serpent lové sur un sentier rapporta l'événement à son sergent qui lui demanda de décrire l'animal, ce qu'il fit. Le sergent, sans prendre la peine de venir lui-même vérifier, déclara que l'animal était un boa constricteur inoffensif et autorisa la recrue à aller chercher le serpent. Confiant, le jeune écervelé ramena l'animal en le mettant autour de son cou ; puis ses camarades en firent autant. Malheureusement le prétendu boa finit par se lasser de toutes ces manipulations, sortit un de ses crochets de 4 cm et mordit le soldat au doigt. Celui-ci en fut quitte pour une évacuation en hélicoptère vers Cayenne. Le serpent était un lachesis muta.
J'ai personnellement vu les photos du soldat avec le serpent autour du cou !

Les crotalines représentent le stade ultime de l'évolution des serpents : ils possèdent des fossettes nasales qui fonctionnent comme des capteurs thermiques, leur permettant de détecter une variation de un degré dans un rayon de 10 m. C'est une arme redoutable pour la localisation des proies.

Les serpents corails (micrurus sp) sont plutôt petits, timides et magnifiquement colorés.

Très peu agressifs si on n'essaye pas de les capturer, ils représentent peu de danger réel malgré leur venin, un neurotoxique redoutable, potentiellement mortel.
Ils ont une toute petite bouche, avec de petits crochets fixes.
Une anecdote pour confirmer leur peu d'agressivité : au cours d'une marche de nuit en Guyane la personne qui était derrière moi m'avertit que je marchais sur quelque chose qui bougeait. J'avais le pied sur un serpent corail !L'animal n'essayait même pas de me mordre.

Cela ne veut pas dire pour cela qu'il faut faire n'importe quoi, comme le montre la mésaventure du soldat de Saul. Même si vous avez l'habitude des serpents, ne manipulez pas les espèces venimeuses !
En fait, il ne faut pas confondre deux notions :
-Le danger potentiel que représente un serpent du fait de la virulence de son venin
-L'agressivité spécifique de l'animal


Dans la zone amazonienne, les serpents les plus agressifs ne sont pas venimeux, comme les boas arboricoles de l'espèce corallus hortulanus ou ''boa de cook''.
J'ai été plusieurs fois mordu en voulant les attraper de nuit. Ils frappent très rapidement, de plus une fois saisis, ils vident le contenu de leur cloaque et l'odeur met du temps à disparaître !
Certaines grandes couleuvres sont particulièrement susceptibles : j'ai été une fois poursuivi par un ''spillotes pullatus'' sur 2 ou 3 mètres, il est vrai que je l'importunais avec un bâton depuis un bon moment !
Attention certaines couleuvres arboricoles sont dites ''opistoglyphes'' c'est à dire qu'elles possèdent des crochets à venin à l'arrière de la bouche et peuvent causer des envenimements légers à sérieux. C'est le cas des spectaculaires ''serpents lianes'' (oxybelis sp). Méfiance donc.

Toutes les histoires de ''serpent minute'' mortel, et de ''serpent de bananier'' se laissant tomber sur les gens, obligeant à porter un chapeau à large bord, relèvent de l'invention pure et simple

En général, tous les serpents vraiment dangereux de la zone amazonienne se déplacent lentement. Ils peuvent certes se détendre en une fraction de seconde, mais leur reptation est lente. Le serpent qui s'enfuira à toute vitesse devant vous a toutes les chances d'être une inoffensive couleuvre...

Pour en terminer avec les serpents, mon expérience personnelle la plus dangereuse eut lieu dans le jardin d'un grand hôtel de Sri Lanka. ! En enjambant une haie, j'ai marché sur la tête d'un serpent qui m'a fouetté la jambe de sa queue. J'ai eu de la chance car, quand je l'ai poursuivi pour l'identifier il s'est redressé et a déployé sa ''coiffe'' : c'était un cobra, un cousin des serpents corails, mais nettement plus agressif !

Les araignées

L'Amérique du sud est la terre d'élection des grandes mygales. Certaines espèces comme Theraphosa Leblondi des Guyanes et Theraphosa apophysis du Venezuela atteignent des tailles impressionnantes, près de 30 cm d'envergure !
Les plus grandes espèces sont souterraines, vivant dans des terriers creusés dans le sol, parfois sous des pierres ou des troncs d'arbres morts. Elles sont sédentaires et nocturnes, vous avez donc peu de chance de les retrouver dans votre hamac, sauf si vos copains veulent vous faire une blague douteuse (cela s'est vu !).


Un tapis de toile plus ou moins important au bord de leur trou trahit leur présence. Vous pouvez essayer de la faire sortir en glissant une brindille d'environ 30 cm dans le trou. L'animal va l'attaquer, s'y agripper avec ses crochets et, en tirant doucement, vous parviendrez peut être à le faire sortir de son trou. C'est ainsi que les attrapent les Indiens yanomami du sud du Venezuela et du Nord du Brésil. Ils les font ensuite griller entre deux baguettes et consomment l'intérieur des pattes et du thorax.....
Dérangées, les mygales ont typiquement deux types de défense :
Elles peuvent se ''cambrer'', redresser leurs premières paires de pattes en ouvrant largement leurs crochets à venin (plus d'un cm de long pour les plus grosses espèces). C'est un avertissement sans frais !
Elles peuvent aussi gratter rapidement leur abdomen avec une de leurs pattes arrière, vous ''bombardant ''de poils urticants. L'effet est celui du ''poil a gratter ''.
Je n'ai jamais personnellement entendu parler de cas de morsure. Les effets des venins sur l'homme sont mal connus.

Il y a également des espèces arboricoles, qui font des toiles en forme de tube.
Elles sont également nocturnes et chassent les insectes et autres petits animaux aux abords de leur toile.
A certaines époques de l'année les mâles se déplacent à la recherche des femelles et on les rencontre fréquemment à l'intérieur des campements, causant des paniques sans commune mesure avec le danger représenté par l'araignée.
Les mygales arboricoles sont généralement couvertes de longs poils qui leur donnent l'aspect de petites peluches, souvent délicatement colorées...
Certaines espèces de la zone amazonienne comme avicularia metallica sont très dociles

En règle générale un animal n'attaque jamais sans avoir préalablement effectué une mimique destinée à avertir et donc décourager un éventuel agresseur. C'est une règle qui vaut pour la plupart des mammifères, reptiles comme pour les araignées.
Si l'une d'entre elles lève ses pattes avant et sort ses crochets, n'essayez pas de la manipuler, dans votre intérêt !

 
 Il existe toutefois une araignée dont il convient de se méfier dans la zone amazonienne, et elle n'appartient pas à l'ordre des mygales. C'est une espèce qui ressemble aux araignées que nous connaissons en Europe, mais de plus grande taille.
Nocturne, ''phoneutria fera'' fait partie des ctènes, ou araignées dites ''errantes'', c'est à dire qu'elle s'abrite où elle peut le matin après ses courses nocturnes, sous un morceau de bois, dans un trou d'arbre ou... éventuellement dans vos chaussures.

Elle est agressive, n'hésite pas à se servir de ses crochets et peut même faire des petits bonds. Elle abonde dans certains endroits...
Comme de nombreux autres animaux, elle aime bien se réfugier au sec après de fortes pluies. J'en ai un jour trouvé une dans un repli de mon sac à dos…
Son venin, un neurotoxique puissant, est très semblable à celui des fameuses ''veuves noires'' (latrodectus mactans), mais elle est beaucoup plus grosse !

Il est important d'apprendre à la reconnaître.
 

Les scorpions

Certaines espèces ont un venin très actif.
Ils sont timides et nocturnes, mais le danger provient, comme pour la phoneutria, de leur propension à choisir éventuellement vos chaussures, sacs ou vêtements pour s'abriter.
Un jour, en voulant mettre ma chemise, j'ai constaté qu'un petit spécimen s'était caché dans une des manches.
Il faut donc faire attention pendant les bivouacs.

J'ai été une fois piqué par une des espèces les plus redoutées, Tityus cambridgei : c'est une espèce qui vit sur l'écorce des arbres et j'ai mis la main dessus, de nuit. J'ai ressenti immédiatement une forte douleur qui ne s'est calmée qu'au bout de plusieurs heures, irradiant dans tout le bras. Le lendemain, j'ai eu des maux de tête et des nausées. C'est tout. Toutefois je pèse 85 kg, les conséquences pour un jeune enfant peuvent être plus sérieuses.

Les scolopendres

Ce sont des myriapodes (mille-pattes ) carnivores qui possèdent deux forts crochets à venin sous la tête. Certains atteignent 30 cm de long. La piqûre est parait il très douloureuse, bien que là encore, je n'ai pas eu l'occasion de le vérifier.

Les Batraciens

Certains batraciens sécrètent des substances vénéneuses :


L'énorme crapaud bufo marinus (jusqu'à 2 kg !) possède deux glandes à venin de chaque côté de la tête. On peut le saisir mais il faut absolument éviter de porter ensuite la main aux yeux et autres muqueuses.

Les magnifiques grenouilles dendrobates et phyllobates sécrètent un très puissant venin dans le mucus qui recouvre leur peau. Certains indiens de la grande forêt colombienne utilisent la peau des phyllobates pour envenimer leurs flèches...

Les fourmis et les guêpes

En fait, sans être réellement dangereux, les animaux qui vous poseront le plus de problèmes, particulièrement pendant les bivouacs, sont les fourmis et les guêpes.

Je crois avoir déjà mentionné que la façon la plus pratique de bivouaquer dans la grande forêt est de tendre son hamac entre deux arbres et de tendre ensuite au-dessus un cordage supportant une bâche en plastique qui vous abritera de la pluie.

Une petite parenthèse à propos d'un autre danger qui fait nettement plus de victimes que les animaux en forêt : les chutes de branches et d'arbres.
Les arbres sont souvent peu enracinés, à cause de la minceur de la couche fertile, ou enracinés horizontalement à l'aide de racines à contreforts. Ils sont souvent également infestés de termites qui parfois les minent complètement de l'intérieur, alors que le tronc parait sain.
Ils sont en outre considérablement alourdis par le poids des lianes et plantes épiphytes. Il faut donc soigneusement examiner les arbres aux alentours de votre bivouac, particulièrement en saison des pluies : le sol est meuble et les arbres alourdis par l'humidité. Le passage de gros nuages d'orage, générateurs de forts vents, abat jusqu'aux géants de la forêt...

Deux choses font la spécificité des bivouacs en grande forêt :

-L'extrême humidité :

Surtout en saison des pluies, il est difficile de faire du feu. Il faut choisir du bois mort, même humide, le bois vert faisant surtout de la fumée. Les vêtements mouillés ne sèchent pas, sauf exposition prolongée au soleil.

-La faune envahissante :

LES FOURMIS sud américaines sont la plaie du broussard.

 

Alors que chez nous ces insectes se limitent à envahir gentiment les pique-niques, les fourmis amazoniennes vous mordront ou vous piqueront des qu'elles en auront l'occasion !
Elles peuvent littéralement pulluler sur le sol dans certains endroits de la forêt. Il y en a de minuscules, les ''fire ants'' dont l'intensité de la piqûre est surprenante compte tenu de leur petite taille.

Attention aux arbres où vous accrochez vos hamacs :
Les cecropia ou ''bois canon'' que j'ai déjà mentionnés abritent les belliqueuses fourmis ''azteca''. L'arbre les récompense de leur protection en leur ''construisant '' des abris et en les nourrissant avec un nectar spécial.

Enfin, si au pied de l'arbre sur lequel vous avez accroché votre hamac, vous apercevez une ouverture horizontale dans le sol, tout contre la base du tronc, déménagez rapidement ! Cela a toutes les chances d'être une fourmilière de ''paraponera'', un des plus redoutables habitants de la grande forêt. Cet animal, qui dépasse deux cm de long, inflige des piqûres (elle possède un aiguillon comme une guêpe) particulièrement douloureuses. On la nomme d'ailleurs ''fourmi 24 heures'' au Venezuela, en raison de la douleur persistante de la piqûre, et ''bullett ant ''dans la littérature anglo-saxonne. Je ne m'explique pas le terme de ''fourmi flamande'' utilisé en Guyane française ? Sans doute suite a la piqûre d'un explorateur wallon.
J'ai été piqué plusieurs fois : la dernière fois, vers 10 h du matin, au mollet, au cours d'une marche : à 18 h, la douleur était toujours aussi forte et irradiait fortement dans le talon d'Achille. Elle ne s'est calmée qu'avec de la codéine.
Les indigènes utilisent la piqûre de la paraponera pour tester leur résistance à la douleur et dans certaines cérémonies d'initiation des adolescents, comme le fameux ''marake'' des indiens wayana de Guyane française et du Surinam.
J'ai vu également au Venezuela des indiens se faire piquer volontairement pour distraire la tristesse ou la dépression…

Inspectez donc bien le pied des arbres des alentours de votre bivouac. Ces insectes étant nocturnes, inutile de préciser que leur irruption dans votre hamac au milieu de la nuit signifiera au mieux une nuit blanche.
Faites bien attention à ce que la jonction du hamac et de la moustiquaire sur le cordage d'attache soit hermétique. Vous pouvez également pulvériser de l'insecticide sur le cordage.

Evitez également de marcher pieds nus la nuit. Certaines espèces de termites souterraines se déplacent souvent en surface, et, si elles ne sont pas venimeuses, les ''soldats'' ont des mandibules particulièrement acérées. A noter que ces insectes dégagent une forte odeur citronnée…

Pour en finir avec les fourmis, vous aurez sans doute l'occasion d'être confronté aux fourmis guerrières ou '' fourmis légionnaires ''en Guyane (''army ants'' en anglais,'' fourmis chasseresses'' en espagnol).
Ces fourmis ne font pas de fourmilières, mais se déplacent en armées, lançant de véritables raids. Presque aveugles (les magnans d'Afrique le sont, elles, totalement ), elles communiquent par signaux chimiques. Lorsqu'une proie est découverte, elles convergent toutes rapidement vers elle.
Elles se nourrissent de petits animaux, insectes, petits reptiles, etc. Elles seraient bien incapables de dépecer un homme vivant, encore un mythe largement véhiculé par la littérature à sensation (exemple ''Papillon'').
Les espèces amazoniennes appartiennent au genre ''eciton'' qui comprend plusieurs espèces de taille variable. Vous entendrez peut être dire que certaines tribus indiennes utilisent les longues mandibules des soldats comme agrafes pour fermer des blessures. Je dois dire que cette histoire a toujours suscité l'hilarité des indiens auxquels je l'ai racontée !
En ''bivouac'', elles s'agglomèrent en boule dans un trou ou sous une souche.
J'ai surpris une fois une de ces boules au Brésil, en soulevant un tronc mort.
Elle était de la taille d'un ballon de football. Les fourmis se sont rapidement répandues sur le sol, causant la panique chez une multitude de petits animaux.

Il peut arriver qu'elles envahissent votre bivouac. Dans ce cas, mettez vous à l'écart et laissez les tranquilles, elles ne font que passer. N'essayez pas de les détourner en les arrosant d'eau ou même d'essence comme je l'ai vu faire, vous n'aboutirez qu'à les exaspérer et retarder leur retraite !
Une nuit en Guyane, je dormais dans un ''carbet'', ou hutte, sur pilotis. Je me suis réveillé avec une impression bizarre.
Je suis descendu de mon hamac et ai allumé ma lampe. Rien devant, mais quand je me suis retourné m'attendait un spectacle extraordinaire : le sol du campement avançait, sur une bonne trentaine de mètres. J'ai prudemment décroché mon hamac et je me suis installé plus loin. Le lendemain, les fourmis avaient disparu !

Certains oiseaux suivent les colonnes de fourmis guerrières (formicariides, ordre des passiformes). Ils ne se nourrissent pas des fourmis elles-mêmes mais des petits animaux qui fuient devant elles.
Certains papillons suivent à leur tour les oiseaux pour s'alimenter sur leurs fientes !

Les Guèpes
Il y en a de très nombreuses espèces.
Les plus grandes ne sont pas les plus agressives : la géante, pepsis heros, est un magnifique animal solitaire bleu métallique, aux ailes saumon qui peut dépasser 10 cm d'envergure. C'est un prédateur des grandes mygales. Elle les recherche sur le sol, à l'odeur. Elle leur plonge son long aiguillon dans le thorax pour les endormir, puis pond un œuf sur leur corps. La larve se développe en dévorant petit à petit l'araignée...

Les plus redoutables font leur nid sous les grandes feuilles comme celles des heliconia, ou faux bananiers. C'est le cas des petites mais redoutables ''mouches à feu '' comme les appellent les Guyanais. Leur nom tient lieu de commentaire ! Si vous passez à côté sans toucher la feuille, pas de problème.
Si vous donnez un coup de machette malencontreux dedans, fuyez en arrière en faisant appel à votre plus belle pointe de vitesse !

La douleur est vive mais elle passe rapidement dans la plupart des cas.

Evitez donc de toucher les grandes feuilles, même dans les jardins.
Certaines espèces font leur nid dans le sol et vous attaqueront sans pitié et sans prévenir si vous passez à côté.
Evitez également d'enfoncer un bâton dans les arbres creux, vous pouvez avoir d'intéressantes surprises.

Inutile de dire que si vous êtes allergique aux piqûres d'insectes, un antihistaminique est indispensable dans votre pharmacie …

L'agressivité des fourmis et des guêpes est unanimement redoutée en forêt.
Certaines espèces s'en servent d'ailleurs pour se protéger :
- Les orioles et les oropendula, oiseaux qui font des nids en forme de bourse dans les arbres isolés, tendent à les construire près des guêpiers.
- L'unique aliment des chenilles des papillons du genre heliconius est constitué par les lianes du type passiflora, ou fleur de la passion. Celles-ci ont développé une défense contre les chenilles : elles produisent des nectars qui attirent les fourmis et les guêpes

Ce long chapitre sur les animaux dangereux répondait à la nécessité de remettre en cause certaines idées reçues et de vous donner certains conseils de prévention. La grande forêt doit être abordée avec respect !
Je suis sûr que vous avez noté que dans la très grande majorité des cas la faune amazonienne est davantage susceptible de vous causer des désagréments que de vous exposer à un réel danger, si vous-mêmes faites preuve d'un peu de prudence…
Je peux vous assurer qu'en plus de dix ans je n'ai directement jamais été témoin d'un accident grave survenu du fait d'un animal.